Une réponse à un commentaire

tolstoi

J’ai eu hier soir un commentaire à mon récent billet. J’aurais pu y répondre directement, mais j’ai envie de le faire de manière plus argumentée, car considérant le contexte actuel, je crois que ça le nécessite !

Ce commentaire, le voici : Знаменитый писатель Лев Толстой заявлял:  » Люди, которые признают войну не только неизбежной, но и полезной и потому желательной, — эти люди страшны, ужасны своей нравственной извращенностью. » А Вы лично согласны с таким всемирно известным писателем ?

Si comme moi vous ne comprenez pas le russe, ça se traduirait comme ça (merci Google traduction) : Le célèbre écrivain Léon Tolstoï a déclaré : « Les gens qui reconnaissent la guerre non seulement comme inévitable, mais aussi utile et donc souhaitable, ces gens sont terribles, terribles dans leur perversité morale. » Êtes-vous personnellement d’accord avec un écrivain aussi mondialement connu ? »

Je ne vous cacherai pas que ce type de commentaire m’interpelle profondément. Car je suis un homme qui estime certaines valeurs primordiales, qui sont les bases mêmes de mon être et de la vie que je veux mener. Malgré tout, j’essaie de réaliser ce projet sans que viennent le teinter ni mes opinions politiques, ni mes inclinations spirituelles, et surtout sans en faire le vaisseau d’une idéologie quelconque. Pour moi, les Cycles d’Ouranos est une histoire dont le but est de distraire, sans la prétention et surtout sans la volonté d’intégrer une forme de manipulation quelconque. Quand j’intègre l’Anadoxa dans l’histoire, c’est effectivement car je crois personnellement en ces deux choses, complexes, qui sont la Vérité et la révélation par et dans l’épreuve (aristeya). Mais par la suite, je compte montrer aussi l’ambivalence de genre d’idéologie, qui même motivée pour les raisons les plus nobles, peuvent être trahies ou interprétées de manière fallacieuse. En bref, il y a une dimension politique dans mon histoire, mais le but n’est pas d’intimer à la fin une grande vérité ; je crois en l’ambivalence en toute chose, le Bien n’existe que par et dans nos choix personnels, il ne repose pas dans un système ou une croyance. Le libre arbitre nous donne le pouvoir suprême d’établir ainsi la polarité que nous souhaitons dans nos existences. Il est facile de se réfugier dans des aliénations, bien réelles, pour justifier toutes nos errances. Ce qui m’intéresse, justement, c’est comment des êtres, soumis à une pression, aliénés par des obligations, des certitudes, des devoirs, des responsabilités, peuvent parfois choisir d’être fidèles à eux-mêmes et à leurs valeurs, plutôt que se plier ou à convenir à une manière de penser.

Mais revenons à ce commentaire, cette question qui dans le contexte actuel m’apporte un peu de sain tumulte en ce samedi matin printanier. Sur un autre blog, personnel, j’ai déjà écrit (longuement) et je vais donc me citer sans vergogne pour déjà répondre clairement à la question posée : Oui. Je suis totalement d’accord avec Tolstoï. Mais j’y mettrais un petit bémol, malgré tout. La guerre est une chose horrible, abominable, c’est la faillite totale de l’humanité réduite à la simple expression d’une violence intolérable. Ce n’est pas l’adjectif « inévitable » qui me fait admettre les propos de Tolstoï, c’est qu’il y adjoint les adjectifs « utile » et « souhaitable ». Oui, une personne qui donc estime que la guerre est à la fois inévitable, utile et souhaitable est plus que mon ennemie, elle est la négation de l’humanité la plus élémentaire. Un individu qui justifie la guerre par une dimension utilitaire, qui y trouve un intérêt (« souhaitable »), est à mon sens une abomination tant morale qu’intellectuelle.

Je ne vais pas disserter comme je l’ai fait sur mon autre blog, car j’insiste sur le fait que ce site a pour vocation de promouvoir et de partager l’expérience créative liée au projet. Mais je suis et je serai toujours pour la paix. Je n’ai aucune animosité, bien au contraire, envers le peuple russe, j’espère que le conflit avec l’Ukraine va rapidement trouver une issue pacifique et que la concorde reviendra entre ces peuples dont je regrette l’actuelle situation, tragique et même terrible. La situation est complexe, je suis assez passionné d’histoire et de géostratégie, de politique et d’économie pour ne pas me suffire et m’arrêter à une vision manichéenne et simpliste des choses. Je souhaite que le monde de demain soit un monde de justice et de sagesse, un monde où la manipulation à grande échelle ne pourra plus trouver d’echo chez les personnes les plus perméables aux stratégies narratives qui dominent le discours public. Je ne suis personnellement pas réceptif à toutes les propagandes, je considère toujours les choses en prenant en compte tous les paramètres, comme je n’ai d’opinion et d’avis qu’après avoir entendu toutes les parties. Ce qui pour moi prime, c’est le bonheur des peuples, c’est qu’il n’y ait aucune justification à la souffrance et l’injustice. C’est ne pas diaboliser cet autre qu’on nous donne à haïr, et encore moi aimer aveuglément ceux qu’on nous donne à adorer.

Peut-être qu’on me reprochera de ne pas prendre parti, qu’on taxera mon comportement de lâcheté. Je vous répondrai que dans ma vie je me suis battu plus souvent qu’à mon tour, et je me suis souvent retrouvé seul contre tous. J’ai été mis souvent malgré moi dans la position du méchant car justement, j’ai estimé mes valeurs plus importantes que la collusion confortable qu’on me proposait. Je vous répondrai que pour moi, la lâcheté je l’ai souvent constatée chez ceux qui préfèrent se joindre du coté du plus fort. J’en aurai bouffé du camp du bien dans ma vie, et jamais je n’ai laissé justement quelqu’un m’imposer de fausses vérités. Il y a dans les Cycles d’Ouranos beaucoup de ça, beaucoup de moi. On peut s’arrêter à Homère et sacraliser la victoire des achéens sur les troyens. Ou on peut raconter une autre histoire, on peut montrer comment les hommes ont toujours la triste tendance à réécrire les choses comme ils préfèrent les présenter.

Un message de fraternité aux russes comme aux ukrainiens. J’espère que vous retrouverez rapidement le chemin de la paix, et je serai là en tant qu’individu, seul et libre de penser par lui-même, pour vous y attendre patiemment. La seule guerre inévitable que je puisse comprendre est celle où la Justice, la liberté et la bienveillance sont flouées. Il ne faut se battre qu’en dernier recours et toujours faire en sorte de laisser une main tendue pour permettre à la paix de revenir, pour empêcher que l’injustice et la violence fassent de nouvelles victimes. La magnanimité est la noblesse des justes, la tyrannie la bassesse de ceux qui jouissent de leur puissance. Tous les hommes sont frères, en tant que français je tiens particulièrement à ces trois mots gravés sur les frontons de notre République : Liberté, Egalité, Fraternité. Je sais que ça peut sonner comme une escroquerie dans notre société actuelle, mais c’est ce que je souhaite, profondément, pour l’humanité dans toute son entièreté.

Crédits photo : Leo Tolstoy 1897 – F. W. Taylor — Cette image est disponible sur la Prints and Photographs division de la Bibliothèque du Congrès des États-Unis sous le numéro d’identification ppmsca.37767. Ce bandeau n’indique rien sur le statut de l’œuvre au regard du droit d’auteur. Un bandeau de droit d’auteur est requis.

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