Tirer des plans sur la Comète

Passage de la Comaetho dans les Cycles d'Ouranos par ReginHart

Alors que j’achevais le storyboard de la page 22 en début d’am, je planifiais comme toujours la suite des événements… en bref, il y a toujours une part du travail qui passe par la préparation et la sédimentation d’une réflexion, du pur boulot mental qui l’air de rien n’est pas du tout reposant. La raison étant qu’après la page 23, j’opère un flashback dans le flashback (ou une prédiégèse dans la prédiégèse, au choix), et comme beaucoup de choix scénaristiques, j’ai fait celui de défricher rapido histoire de voir la topographie du terrain, en remettant à plus tard le vrai travail de labourage. Cette métaphore agricole pour dire que j’avais esquissé les événements, reporter le vrai boulot, mais ayant pris grand soin alors de prendre des notes, il était temps de s’y mettre.

A chaque fois, j’essaie quand même de retrouver le canevas original de ma pensée et les pistes créatives choisies. A chaque fois, je suis étonné en relisant mes notes de ce que j’ai oublié et surtout de certaines bifurcations. Pour le coup, c’était une certaine Comaetho qui était concernée. Dans mes notes elle était victime d’une duperie ; dans ma réactualisation elle devenait illusion dangereuse. Dans les Cycles d’Ouranos, je propose une relecture et une réinterprétation des mythes grecs, mais en essayant de ne pas sombrer dans la facilité du littéralisme en explorant souvent les mystères et les pistes de la langue originelle, soit le grec ancien, qui en elle-même est fascinante à redécouvrir. Suivant cette logique, je me suis donc demandé quelle était l’étymologie de Comaetho et j’ai découvert assez stupéfait (sur le wikipédia anglosaxon qui se préoccupe bien davantage de sa version française de ces questions étymologiques qui sont à mon sens primordiales) que cela signifiait chevelure brillante. Un nom finalement assez étrange quand on connaît le rôle de la fille de Pterelaos, le roi taphien, dans l’histoire qui voit la victoire d’Amphitryon lors de son expédition punitive à Taphos. C’est en arrachant un cheveu doré à son papa, source de sa puissance, qu’elle permet à Amphitryon de le mettre à mort… ce qui dans l’histoire ne lui portera pas chance, étant alors exécutée pour trahison par le charitable Amphitryon. Une sale histoire, donc, mais surtout la coïncidence trouble de son nom et de son crime (une chevelure brillante qui coupe un cheveu doré). Une fois encore, l’aspect cryptique pour ne pas dire ésotérique des mythes grecs semble évident, et il devient difficile d’illustrer littéralement le récit sans agir avec une certaine facilité à ne mettre en scène qu’une péripétie (certes croustillante) en ignorant les pistes thématiques qu’elle propose (il s’en est fallu d’un cheveu).

Et alors que je suis encore en train de digérer ces informations (mais j’ai déjà trouvé mon idée motrice), la bonne vieille expression m’est venue, celle qui fait le titre de ce billet. Je me suis rappelé qu’effectivement le mot « comète » vient d’un mot latin qui signifie « chevelu », et que le mot latin vient donc du grec ancien comme beaucoup de choses que ces foutus romains ont opportunément emprunté au vieux peuple hellène. Tout ça pour dire qu’en cet fin d’après-midi, juste avant un we rudement mérité, je tire donc des plans sur la comète, sur Comatheo, pour ne pas la réduire à une chimère. Ou alors, par choix, pas par facilité. Par clairvoyance un brin malicieuse, pas en ignorant le gros clin d’œil de ceux qui conçurent ces histoires il y a tant d’années, pour des motifs qui m’échappent encore mais qui m’offrent un joyeux terrain de jeu créatif.

Puis soyons sérieux, vu ce que j’ai fait d’Amphitryon dans les Cycles d’Ouranos, ce serait compliqué de le voir aussi retors, fourbe et cruel… Ce sont ses souvenirs qui sont à l’origine de ce fameux flashback, et le lecteur y découvrira une version plus jeune mais pas moins noble de celui qui reste et demeure le père d’Heraklès dans les Cycles d’Ouranos. Il n’est pas interdit d’imaginer un jour que toute l’expédition à Taphos fasse l’objet d’une petite séquelle en one shot…

Note : image de tête réalisée avec IA, avec le script : « A comet crosses a starry sky, while ancient Greek spectators gaze at it from below. »

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