Sur la piste d’Anaxo

Vouloir écrire et créer, sérieusement, à propos et sur les mythes grecs, est parfois une chose très compliquée. Il faut au préalable expliciter l’adverbe. Il y a deux manières de considérer la mythologie grecque ; la première consiste à y voir une grande, une immense cours de récréation où à peu près tout est permis ; la seconde à la considérer à une cours de recréation (attention, la nuance ne tient qu’à l’accent aigu au début du mot) où l’exercice n’a de valeur qu’en respectant, juste ce qu’il faut, le matériel initial.

Il faut dès lors comprendre ce qu’on entend, ce qu’on accepte, ce qu’on conçoit, dans le concept de mythologie grecque. Pour beaucoup, dont moi, ça s’est passé par l’acquisition de dictionnaires, de recueils spécialisés, écrits par des mythographes vulgarisateurs. Avec le temps, et à force de confronter les sources, j’ai découvert des anomalies voire des erreurs. Déjà, dans la majorité des ouvrages, un mythe est raconté en incluant des embranchements du genre « il tourna à gauche » mais selon Auteuronius « il tourna à droite ». En tant que lecteur, il y a dès lors acceptation de ces postulats, de ces hypothèses, de ces possibilités car somme toute, les mythes par essence ce n’est ni historique ni vérifiable. Généralement, d’ailleurs, ça ne dérange ni la lecture ni l’appréhension de l’histoire. En tant que lecteur/consommateur, ce ne sont que des variables mineures qui n’altèrent pas le plaisir du récit. Mais en tant que créateur, parfois, c’est un sacré casse-tête.

J’ai entrepris d’écrire un peu, ce blog témoigne de ma passion pour la chose, sur Amphitryon. Histoire aussi d’aborder plein de choses, des détails, impossible à évoquer clairement dans le premier volume en BD. C’est ma fille qui, alors que je lui parlais du personnage, m’a suggéré l’idée d’écrire en me rappelant que je manquerais peut-être de temps pour tout dire par le dessin. J’ai donc décidé de m’y atteler, sachant que l’écriture est pour moi un processus naturel, fluide. Et ayant énormément effectué de recherches pour ce projet, j’ai de quoi faire et de quoi dire.

Amphitryon est dans mon intrigue un personnage passionnant, bien loin de la vignette, de l’archétype, qui en est fait généralement. Le choix qu’il opère en « épousant » Alkmène est pour moi l’occasion de raconter une nouvelle histoire dans l’histoire. Et me situant dans l’idée de recréation (le choix 2 donc, pilule rouge), j’ai commencé par une scène débutant avec sa soeur, Anaxo, soit la mère d’Alkmène. Histoire d’un peu rafraîchir mes connaissances, après l’écriture de ce premier chapitre, je suis allé un peu voir ce que je pouvais glaner de plus dans les sources à ma disposition, soit mes bouquins poussiéreux, wikipédia, persee.fr (que j’aime ce site) et les différents sites amateurs de vulgarisation qui sont trouvables sur le net. Et rapidement, j’ai trouvé une donnée concurrente, ce qui est implicitement, dans ma démarche, fâcheux et contrariant.

Certaines sources donnaient ainsi comme matriarche d’Alkmène une certaine Eurydice, fille de Pélops. Elektryon (père d’Alkmène) étant frère d’Alkaios (Alcée) c’est déjà dérangeant sur un point, c’est à dire en brisant littéralement l’idée d’une origine au nom d’Alcide, en référence à son grand-père. Malgré tout, ne voulant pas pêcher par paresse et facilité, j’ai tenté de remonter l’origine de cette confusion ou de cette information, au choix, en cherchant cette fameuse Eurydice (aussi car trop de sources à croiser avec Anaxo). En regardant les sources, j’ai vu que l’article wikipédia sur Alkmène donnait en référence un site de vulgarisation anglophone que je suis allé consulter, un vieux site pour le coup (l’article a été mis à jour il y a 21 ans de cela) qui a l’honnêteté d’énumérer ses sources, et un ouvrage dont la date d’édition remonterait à 2001.

Honnêtement, lire et vérifier une information de ce genre demande énormément de temps et d’énergie qui sont pour moi un luxe interdit. Mais pour trancher, j’ai récupéré sur persee.fr (que je continue de conseiller pour tous ceux qui veulent plonger plus profond sur la question des mythes) la traduction de la Bibliothèque d’Apollodore qui confirme Anaxo en tant que mère d’Alkmène et soeur d’Amphitryon. Je cherche encore la source pour Eurydice, mais en l’état, je ne trouve rien. Mais imaginons que je la trouve, m’obligeant de faire un choix, je resterai sur Apollodore et sa synthèse, unique dans les sources, des mythes grecs traités et présentés dans leur ensemble et dans une logique chronologique.

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