Site « institutionnel » mis à jour et projet en phase 2

Amphitryon et Oedipe

Je me suis demandé quel titre donner à cet article, et finalement j’aurai opté pour la longueur et la précision. Mais j’ai bien résumé les choses : le projet est finalisé dans sa partie conception (présentable à des éditeurs/producteurs) et dans la foulée j’ai mis le site institutionnel à jour. Pour cause, car au lieu de créer un gros dossier touffu comme je l’avais fait auparavant (condamnant mon potentiel lecteur à se plonger dans une lecture ardue), j’ai opté pour un dossier présentant les planches finalisées et les drafts, avec une invitation à se rendre sur le site pour y trouver les informations complémentaires. Je suis fier du travail effectué, le projet reposant essentiellement sur l’ambition d’une intrigue planifiée sur sa totalité. En tant que scénariste, j’ai énormément réfléchi sur la méthodologie, toujours arc bouté entre le désir ardent de me plonger dans la production et celui plus frustrant de la planification. Planification me semble un terme particulièrement adéquat, car ce processus est en partie la création de documents complémentaires, annexes, précieux : croquis, drafts, notes, dialogues, storyboard, etc. J’ai mis récemment le storyboard du premier volume accessible sur le site, et je me suis amusé à constater l’évolution entre les premières pages et les dernières. Il y avait au début cette sensation de donner du coup de pioche dans une masse de flou à la densité rebutante… l’histoire devait s’incarner dans le réel, s’expurger de mon crâne, et il y a toujours un fossé gigantesque entre ce qui est fantasmé et ce qui est concrétisé. Par exemple, un personnage comme Nestor, que j’adore, existe en moi durant des années. Lui donner naissance c’est appréhender les traits, coups de crayons infusant les traits du visage, qui lui donneront vie sur le papier. J’avais un peu l’illusion, au début, dans ce désir frénétique de toujours gagner du temps, de pouvoir me passer du matériel préparatoire comme si ma mémoire pouvait d’un coup d’un seul tout garder et me restituer à volonté. Je me suis rendu compte, qu’à l’inverse, les détails avaient tendance à changer d’un dessin à l’autre. Premier boulot et première conséquence, un petit travail d’harmonisation au tout début, m’imposant de m’astreindre à une méthodologie conséquente. Ah… La méthodologie. Je savais que ça faisait partie du projet, qu’il me fallait l’appréhender, la saisir comme un animal sauvage et parvenir à la dompter pour en tirer l’essentiel bénéfice : une productivité stable et prévisible. Ces six derniers mois, enfin sept aujourd’hui, auront servi à ça : fixer des processus pour pouvoir gagner en sérénité.

Je vais donc entamer la phase 2, dans le plan d’ensemble qui domine ces préoccupations techniques, soit la promotion du projet. Je me laisse la porte ouverte, j’ai beaucoup à offrir et beaucoup à faire, je souhaite trouver des interlocuteurs qui pourront voir le potentiel de cet univers auquel je crois. Et pour cause, j’y vis depuis des années, j’ai déjà des pans entiers de l’intrigue qui vivent en moi et qui souhaitent aussi prendre corps. Il faut dire que la base, l’origine de ce projet, c’est la génération d’après. Je m’amuse parfois à me dire que je suis parti finalement dans un processus inverse, dans une évolution à rebours. Ce sont bien les fils que j’ai imaginé en amont, et choisissant de parler de leurs pères, c’est d’imaginer quelle éducation, quel contexte a pu les rendre ainsi. Peu à peu, les caractères des patriarches prenaient naissance, et veillant surtout à ne pas accoucher de bons papas qui n’existent jamais (je suis bien placé pour le savoir, mes enfants me le répètent assez tous les jours), c’était passionnant de mettre en place ces personnalités imparfaites, ces hommes fragiles ou faillibles, ces pères errants ou névrosés. Actuellement, il y a cette thématique du patriarcat, vu comme toxique, mais je pense que la parentalité en elle-même est une question philosophique et existentielle qui dépasse (ou ne s’impose jamais) à ceux qui désirent des enfants. En cela, en cette impossibilité d’envisager la parentalité comme un acte terrible (et terrifiant) de responsabilité (mettre au monde des individus qu’on va devoir préparer à « vivre »), il y a pour moi une thématique passionnante qui m’a toujours inspiré. Je déteste ces clichés qu’on nous vend en permanence de parents glorieux qui filent le flambeau à des enfants reconnaissants et accomplis. Adorant celui qui à présent est Teukros après avoir été durant des années mon Ajax, je me suis amusé à créer Télamon en conséquence… En créant mon Heraklès, je devais aussi donner vie à des figures floues, fantomatiques, des silhouettes presque, que sont Alkmène et Amphitryon… et je suis très satisfait de ce que j’ai créé dans le premier volume, HERAKLISKOS.

La création comme la culture sont et resteront toujours mes éternelles passions, et je vois que ce matin encore mes doigts s’agitent et s’articulent frénétiquement pour rendre un peu de cette fièvre qui m’a toujours agité. Pourtant dans ma famille, il n’y a pas cette énergie là et cela restera toujours pour moi un mystère. Chez mes propres enfants, que j’ai abondé en connaissances et culture, il n’y aucune pulsion créative, aucun goût pour la cérébralité et les choses de l’intellect. Je pense que j’ai voulu conférer un peu de ça à mon Heraklès, un sentiment de solitude pourtant contrebalancé par l’idée, par l’obsession, d’avoir à agir, à bouger, pour ne pas mourir, pour ne pas se laisser absorber par le néant de l’absurde. Quoi qu’il en soit, et ce sera ma conclusion, quel bonheur de donner libre court à son imagination en tentant de créer un pont entre soi et cet autre qui pourrait s’y intéresser.

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