Le daïmon d’Heraklès

Extrait du storyboard page 47 des Cycles dOuranos

Bon, il n’y aura pas cette fois d’illustration pour le post, mais je suis sur le Chromebook et je n’ai pas envie de faire chauffer le scanner ! A voir plus tard, là j’ai eu l’impulsion d’écrire un peu pour alimenter ce blog, qui est un peu à l’abandon car j’ai pas mal rushé ces derniers temps pour avancer sur le projet. Un projet tellement ambitieux et qui me demande une telle masse de boulot que parfois je me dis que j’aime vraiment me compliquer l’existence. Pour le réaliser, pour concrétiser mon idée initiale, je savais qu’il me faudrait relever les manches et ne pas économiser de mes efforts comme de ma capacité à gérer les multiples facettes du projet. Dans les faits, ça m’a demandé surtout de m’organiser pour ne pas être trop bloqué par les attendues pierres d’achoppement, notamment en trouvant des solutions à des problématiques plus ou moins complexes. La grande ambition des Cycles d’Ouranos repose sur deux principes que je me suis donné à la base : rester fidèle aux récits mythologiques tout en planifiant l’intrigue dans son entièreté. Ce second point, l’air de rien, nécessite énormément de travail et de ressources intellectuelles. Ce n’est pas pour rien si divers grandes sagas semblent un peu artificielles, comme par exemple la dernière trilogie de Starwars… la facilité, c’est mettre en scène des suites de situations plus ou moins rocambolesques en semant des promesses plus ou moins palpitantes. Dans les coulisses, il ne faut pas se leurrer, le scénariste ou l’auteur a souvent la tentation de remettre à plus tard la résolution de la promesse, l’effet tenant sur la sidération de celle ci au moment où elle est proférée. C’est pour ça que l’héroïne principale de la dernière trilogie de Starwars finit par avoir une histoire complètement alambiquée, illogique et donc décevante. Beaucoup d’auteurs, dont Mark Millar que j’apprécie énormément malgré ses gimmicks narratifs, ont fait de l’iconoclastie une manière justement d’atteindre cette sidération, qui finit quand même, à force d’usure, par être artificielle. C’est compliqué, mais aussi fascinant, de réussir à innover sur des récits maintes fois racontés. C’est ce que j’essaie de faire avec les Cycles d’Ouranos, en explorant ce que j’appelle les silences et les omissions.

Avant d’écrire le scénario de ce premier arc, j’ai passé de nombreux mois à me documenter et à lire, pour écrire ce que j’appelais il y a 20 ans un « Background », le lore. Un lore tellement complexe que régulièrement, il n’y a pas plus tard que deux jours, je suis dans l’obligation de le relire. A force, des choses s’inscrivent en moi, avec netteté, mais j’ai compris depuis longtemps l’importance de la prise de note. L’idée est une chose très subtile au sens alchimique du terme : elle a tendance à s’évaporer quand vous ne l’utilisez pas immédiatement. Au niveau juridique, elle n’appartient vraiment à personne, ce qui oblige un individu aussi averti que moi à tout protéger, éventuellement (mais mon expérience personnelle m’a appris que beaucoup n’hésitent pas à s’approprier le mérite des autres). Ici, j’écris, je dévoile un peu, mais en fait je ne montre jamais rien de stratégique. L’important c’est de témoigner des mécanismes, d’écrire un peu l’histoire d’un tel projet. Ce fut antan un sain réflexe, dans les moments de démotivation, de constater la réalité d’un travail créatif qui passe nécessairement pas une phase immatérielle.

Arrivé à la page 46, après avoir pragmatiquement décidé de garder la page 45 proprement storybordée et pas mal détaillée, je me suis retrouvé à l’arrêt. Dans ma vie personnelle, mes enfants dont j’ai la charge en solitaire depuis des années m’ont demandé pas mal de temps et d’énergie ces derniers temps. J’étais donc à la fois fatigué tant physiquement que moralement… et à vrai dire, ma seule source de plaisir et de contentement était le projet qui se concrétise. Mais je suis tombé sur un petit écueil… un point de précision que j’avais laissé en friche, il y a longtemps, car il me demandait justement de penser à l’intrigue, non dans une unité de temps restreinte, mais bien sur plusieurs décades, tout en étant en soi une problématique réellement protéiforme : le daïmon d’Heraklès. Et me voilà à lire, à me documenter, à réfléchir, processus long et si fatigant… je peux me taper une demi heure de sport intensive sans que ça m’épuise, mais deux heures de documentation me provoque des phases de somnolence éprouvantes d’où je sors toujours un peu hagard. Au bout de presque une semaine, j’ai enfin fixé les choses, et ce matin, en reprenant le storyboard, j’ai constaté l’écart entre l’idée initiale et sa finale concrétisation. Quand j’essaie d’analyser mon but en matière de scénarisation, une image me vient, celle des poupées gigognes : j’adore quand on donne un élément, une information, qui fait du lien, bien plus tard. D’où ce travail de planification poussé à l’extrême, en prenant en compte les deux axes opposés, le passé et le futur. Le premier arc se situe précisément à la pure médiane de ces pôles. Le daïmon d’Heraklès illustre complètement ce principe, car au moment où je le dévoile, il incarne l’évolution intérieure de mon protagoniste principal, un Heraklès apaisé et mature, loin du héros civilisateur (à coup de massue) qu’il a été.

Mais je vais garder la case du storyboard, pour une étape du récit… une case qui a motivé l’écriture de cet article et qui, je suis en train de me le dire, fera peut être une bonne image introductive… finalement !

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