Heraclès dans Valkyrie Apocalypse vs… le mien (avec un « k »)

J’attendais la suite de l’animé sur Netflix, sans vraiment m’être renseigné sur le synopsis ni sans vraiment adhérer au principe… En bref, un peu comme une veille concurrentielle basique, je voulais voir comme serait traité le héros principal du premier arc des Cycles d’Ouranos si celui-ci venait à apparaître… et sans surprise, vu le statut d’Heraclès dans le paysage de la mythologie grecque, j’ai été exaucé hier soir en découvrant la saison 2 sur la célèbre plateforme de streaming. Il faut savoir que dans ce genre de cas, par réflexe, on observe déjà ce qui pourra nous être reproché avec l’insulte suprême (pour un véritable créateur) du plagiat.

Mauvaise surprise, dès le départ… avec la couleur de cheveux et l’absence de barbe ! Mes enfants ont tendance à se foutre de moi par rapport à mes photos d’enfance, car j’étais roux (ce qui les fait souvent remarquer que j’ai dû naître « sans âme » après en avoir volé une pour avoir, enfin, les cheveux d’une couleur châtain clair… je ne connais pas leurs sources, mais je pense que ça ne doit pas aller plus loin que la rumeur twitérienne), et dès les premières pages de la colorisation du premier volume, ils avaient noté avec malice que mon Heraklès (le mien c’est avec un « k », hein ?) semblait arborer un joli roux bien pétant. En fait, je dois avouer que lors de ce choix, je fus guidé par la volonté d’éviter les stéréotypes sans non plus partir sur un blond aryen, vu le look de mon Zeus, mais en choisissant ce qui pour moi était davantage un châtain aux reflets roux. En fait, vu qu’il faut concevoir que le dessin est en soi une « traduction » du réel, j’ai choisi un orange sombre. Et là, paf, je vois à peu de choses près la même couleur et l’absence de barbe ! Alors je suis allé voir les dates de publication du manga papier, j’ai trouvé courant 2021, ce qui m’exonère d’une quelconque justification pour plagiat mais bon, ça m’a agacé quand même. J’ai donc attendu encore pour voir les potentielles similitudes, mais à vrai dire, à l’arrivée, ma version d’Heraclès n’a résolument rien à voir avec l’interprétation des auteurs de Valkyrie Apocalypse.

Déjà, l’intention de ces derniers est finalement l’inverse de la mienne. Si ces derniers cherchent à repenser les récits mythologiques en osant, au passage, les mettre en scène dans un improbable crossover, ils sont coupables (à mon sens) de trahir les mythes initiaux en n’utilisant que certains détails et en inventant, carrément, certaines choses à la limite de l’hérésie. Par exemple, celui de l’ambroisie qui devient le sang de Zeus et qui va « transformer » le jeune Alcide. Ils osent même argumenter que l’invulnérabilité d’Achille sera liée au même processus. Je ne vais pas expliciter point par point toutes les fausses notes qui ne font pas de Valkyrie Apocalypse un récit fidèle à son matériau, car c’est tout à fait le droit de ses créateurs qui à l’évidence n’ont pas voulu se brider en respectant mordicus les histoires mythiques.

Je ne vais pas spoiler l’intrigue ici, peut-être qu’un potentiel spectateur pourrait voir son plaisir gâcher, mais à mon sens la trahison principale réside dans la « psychologisation » du personnage qui le transforme, dans la série de Netflix, en une sorte de gros boyscout à la psyché clone de celle de Superman… soit un surhomme qui malgré tout ce qui le rend définitivement supérieur à l’espèce humaine (tant par ses capacités que sa rigueur morale), décide de défendre le bien et la justice. Alors que justement, la difficulté pour appréhender l’Heraclès des légendes demeure dans la folie, souvent inexplicable ou inexcusable, qui parsème son parcours. Peut-être qu’au début de mon histoire, mon Heraklès semble ainsi, moraliste et vertueux, mais c’est justement par qu’il aura connu un certains parcours et des errances condamnables. D’ailleurs, le calme de mon Heraklès, au début du récit, est pour le moins trompeur, car à vrai dire il est davantage dans la contention des énergies qui l’animent que dans la véritable sérénité.

Enfin, et c’est ce qui m’empêche d’adhérer au spectacle de Netflix, si je comprends qu’on puisse inventer (en rajouter) sur un mythe, j’ai davantage de mal à accepter l’héroïsation d’une « figure » de la criminalité morbide comme peut l’être le tristement célèbre Jack l’Eventreur. Il y a eu tellement de théories et de versions sur le sujet, mais c’est la première fois qu’on ose excuser ou justifier les horreurs bien réelles de son auteur, en le rendant peut-être, aux yeux de certains caractères poreux, admirable (voire sympathique). Il y a là quelque chose de plus grave qu’une quelconque question de positionnement éditorial, avec la réhabilitation purement romanesque de l’innommable et de l’horreur qui a bien eu lieu dans ce que nous appelons, communément, la réalité. Oser faire ça et quelque part tout à fait normal (halte à la censure – aucun sujet n’est véritablement tabou) et tout à fait dangereux, car rien n’empêche alors de faire passer, par exemple, du révisionnisme comme une manière tout à fait naturelle d’expression et de création.

Il fut un temps où un prologue légal aurait averti que les faits ou les propos tenus dans le récit n’avait rien à voir avec la réalité et donc s’en affranchissait en s’en excusant potentiellement. Maintenant, plus de gant ou plus de scrupules, l’important c’est d’exploiter le petit frisson de ceux qui se complaisent un peu trop dans l’excitation de la morbidité. Personnellement ça me choque et je ne conseillerai pas le spectacle aux plus jeunes, en regrettant que les autres ne soient pas forcément armés pour comprendre vraiment ce qu’on leur donne à voir et à accepter. C’est le danger des récits animés qui peuvent sembler, intrinsèquement destinés aux plus jeunes, alors qu’ils peuvent traiter de choses parfois graves et plus compliquées à traiter qu’il n’y paraît.

La fin de la saison deux introduit pas moins que « Bouddha », ce qui, l’air de rien, montre que le programme n’hésite pas à aller piétiner un peu du coté des religions, ce qui n’est pas non plus sans danger. Surtout quand on propose un Bouddha victime de la mode, lui qui pourtant n’aura jamais cessé de dénoncer la vanité en toute chose… c’est clair qu’avoir un look aussi artificiel que celui affiché par son character design illustre pleinement ce principe pourtant basique, fondateur, de la philosophie bouddhiste. Tu me diras, le même Bouddha enfilait, quelques minutes avant, les barres chocolatées (à sa gloire mercantile…). Le plus marrant, c’est qu’on le voit déchirer un emballage, balancer ce dernier très allègrement et négligemment dans la nature, pour quelques secondes après le voir (en fait) remiser les fameux emballages dans une sorte de conteneur (j’ai pas envie d’aller vérifier), comme si quelqu’un s’était rendu compte que c’était stylé de balancer des emballages avec désinvolture mais finalement pas très shintoïste et encore moins écolo (si les figures divines s’y mettent, on est pas prêt d’y arriver). Enfin, si je dois le rappeler, « Bouddha » est davantage un titre ou un statut, celui de la série mettant certainement en scène Siddhārtha Gautama… car je dois avouer que j’ai lâché un peu l’affaire avec toutes ces hérésies en série. Je ne suis pas religieux mais je suis quelque peu agacé de tant d’irrespect sur cette question, qui voit des symboles spirituels réduits à de basiques personnages de jeu de baston.

Note : le manga Valkyrie Apocalypse est édité par Ki-oon par chez nous, tout droit relatif, dont la couv’ utilisée dans ce bandeau dans la pure limite du droit de citation (article L. 122-5 3° du Code de la propriété intellectuelle)

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