De la gestion du foreshadowing

Le foreshadowing dans les Cycles d'Ouranos

Ayant pratiqué la culture anglosaxonne du marketing durant de longues années, je sais comme il est bon de parfois se reposer sur un anglicisme pratique et plaisamment exotique. Quand j’ai créé, réécrit (ou recréé) pour être plus précis, cette histoire, j’avais à coeur de tout planifier à l’avance. Ce qui m’a demandé un énorme travail documentaire mais également réflexif. J’en ai bouffé des textes, des études, des récits, des digressions, pour créer le lore de l’histoire, un autre anglicisme qu’il y a plus de 20 ans, sans culture marketing cette fois, j’avais baptisé « background ». A l’époque j’avais collaboré avec quelqu’un pour ce faire, mais des « différends » artistiques n’ont pas pu permettre d’aboutir le projet, qui de toute manière manquait de maturité. Cette fois je suis très satisfait du travail accompli, un gros travail de synthèse avec toujours en tête de proposer une vision ludique et surprenante des mythes déjà tant de fois illustrés. Tellement content que je dois un peu me freiner quand la tentation du foreshadowing me prend au détour d’une case ou d’une page. Je ne feindrais pas un stage dans un atelier d’écriture quelconque, j’ai découvert ce terme en matant une vidéo sur Youtube, et par amusement, par exercice de détente après avoir (presque) achevé la 26ème page, je me suis dit que ça serait bien d’écrire un peu sur ce blog sur ce passionnant sujet.

Notez que j’aime la langue française, et j’essaie toujours de la défendre, non en vantant ses qualités et sa beauté, mais en essayant de la pratiquer avec un peu d’acribologie. Personnellement, j’aurais utilisé le mot « référence », mais c’est vrai que l’anglicisme possède la qualité de placer le mot dans un cadre technique. C’est la qualité de la langue anglaise imprégnée d’une logique mercantile qui infuse toute sa culture, que de situer « prosaïquement » les mots dans un contexte utilitaire, « professionnel ». Je souris, beaucoup, en utilisant le terme « foreshadowing » car comme toujours avec le jargon ça tient plus de la posture que du sérieux. Après, dans une logique pédagogique, et j’invite tout lecteur à en faire l’expérience, vous arriverez beaucoup mieux à expliquer le sens et la définition d’un concept à l’anglaise que son équivalent en français. La fascination pour l’autre monde fait que comme un hiéroglyphe qui se dévoile, le mot anglais se fait facilement un chemin dans le cortex de l’interlocuteur francophone, là où ça tourne à la discussion argumentaire sur la signification du mot bien français que vous auriez eu l’audace d’utiliser.

Enfin, pour revenir au sujet, je dois constamment me prévenir d’abuser de la référence cachée, pardon, du foreshadowing, à des éléments de récits à venir ou prévus. Déjà, je trouve le premier volume assez dense, car j’ai voulu placer un maximum d’éléments explicatifs pour immédiatement présenter les systèmes et les concepts qui sont au coeur du récit. En vrac, les daïmons, les antropos, les épisémos, les épigones, les pyrrha, le nyx, et pour finir les kubos. Après, j’ai aussi placé des références à la mythologie grecque en intégrant des éléments de récits à peine évoqués mais raccrochant l’histoire à un solide fil mythologique. Par exemple, je cite l’histoire des fils d’Oedipe, en filigrane, ainsi que son petit-fils. En bref, je suis en train de m’interroger sur la nécessité de créer un appendice au premier volume afin de clarifier ou préciser certains points. Le style ‘pop’ de la BD est en cela peut-être trompeuse, mais je ne voulais pas non plus céder à une transcription par trop réaliste et archétypale des récits mythologiques. Au contraire, j’ai envie de créer un univers coloré et iconoclaste, en m’imposant quand même certaines contraintes (comme ne pas tomber dans le psychédélique ou le deus ex machina facile). C’est pour cela qu’il y a bien cette schizophrénie, volontaire, entre un récit à la fois fantaisiste et pourtant révérenciel.

Il y a un détail, tout petit, à la page 26, qui révèle beaucoup de choses. C’est un choix qui m’amuse énormément. Qui me motive aussi, car l’intérêt principal de cet acte créatif repose bien sur les révélations, dans la durée, de tout ce qui est caché derrière les mythes. Le piège étant de ne pas me croire non plus trop malin ou plus malin qu’un potentiel lecteur qui saura interpréter et comprendre le sens de tous ces cailloux blancs balancés un peu partout.

Articles recommandés

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *