3° Amphitryon dans les Cycles d’Ouranos

Amphitryon et Oedipe dans les Cycles d'Ouranos

Petite introduction : oui, je ne poursuis pas une saine logique en embrayant, pour ce troisième script, sur le personnage d’Amphitryon, paternel du héros principal de ce premier arc du premier cycle. La raison étant que je travaille chaque jour sur plusieurs fronts, l’un d’entre eux étant la scénarisation du second tome. Et il se trouve que je suis à un moment où je mets en scène le passé d’Amphitryon. Du coup, je suis retourné dans mes notes, et j’ai rafraichis mes connaissances que j’aimerais ranger méthodiquement dans ma bibliothèque mentale, mais qui pour de vrai nécessitent d’être ranimées régulièrement. Et là, en relisant le condensé notamment présent sur la page wikipédia du personnage, j’ai eu un instant de flou et de doute. Alors, pour vous dire à quel point je pousse l’exigence en terme de référence voire de fidélité, je suis allé jusqu’à essayer de retrouver mes notions en allemand pour comprendre le texte qui s’intitule sobrement Die Geschichte des Amphitryonstoffes vor Plautus (trouvable sur jstor.org). Mais j’ai abandonné assez rapidement pour cause de pragmatisme nécessaire versus ma volonté de justification. Après, j’ai quand même retrouvé mes petits, ce que je vais essayé dès à présent d’expliquer. Fin de la petite introduction (qui sera hors script).

Les deux parents du futur Heraklès sont devenus, au fil de l’écriture du scénario, des personnages que j’affectionne particulièrement. En effectuant mes recherches préalables, je suis naturellement tombé sur la description des frasques, il n’y a pas de meilleur mot, du couple. Amphitryon, ainsi, est devenu en deux millénaires d’appropriation littéraire, la figure du cocu, contraint, mécontent un peu, content par obligation, en bref une sorte de cible pour illustrer dans le grotesque la question complexe de l’infidélité. Par ailleurs, et c’est intéressant en soi à considérer, Alcmène (Alkmène dans les Cycles d’Ouranos) devient au fil du temps une sorte de victime dont l’absence de consentement est commuée dans l’honneur et la gloire d’être la génitrice du plus fameux héros de la mythologie grecque. A l’arrivée, avec la volonté qui est la mienne de sortir de l’ornière du stéréotype, tout ça n’était pas très stimulant.

J’ai donc, méthodiquement, tout repris en commençant par le début. D’où viennent-ils, comment le couple se fait, qu’est-ce qui peut vraiment les définir ou permettre d’en rendre une idée un brin novatrice ? Déjà, j’ai compris que les informations les concernant, chez Hésiode et Homère, étaient pour le moins faméliques. Encore une fois, des noms qui font davantage des silhouettes que des personnes. Après, il y a déjà une sorte d’incohérence avec le père d’Alkmène (je vais utiliser ma petite variation nominale pour parler d’elle), Electryon. Celui-ci est toujours assassiné par Amphitryon, mais soit dans le cadre d’un accident relativement abracadabrant (une version antique du planté de bâton, je pense) ou d’un geste de colère (à la motivation finalement assez pathétique, soit la frustration sexuelle). Le bannissement de Tirynthe et l’exil à Thèbes sont par contre des faits qui faisaient, à mes yeux, deux mystères à exploiter (impossible d’élucider ce dont il ne reste que des cendres).

Le déclic aura été de comprendre le lien familial, initial, entre Amphitryon et Alkmène qui ne sont pas moins qu’oncle et nièce. Un petit détail qui également m’a beaucoup inspiré. Et si, une raison bien particulière avait motivé cet union à la limite de l’inceste ? Et si ce mariage n’était pas un acte passionnel mais bien une manoeuvre « politique » ? Je ne déflorerai pas ma propre intrigue ici, mais le personnage d’Amphitryon est apparu pour moi comme celui d’un homme qui se sacrifie pour le bien de sa nièce. De plus, en même temps que je concevais la psychologie de l’oncle, celle de la nièce me forçait presque à l’adoucir. Ne voulant surtout pas mettre en scène une énième figure maternelle « parfaite », la fougue d’Alkmène appelait une certaine tempérance que je voulais source d’inspiration et de réconfort pour mon jeune héros.

Amphitryon, dans les Cycles d’Ouranos est un ainsi un épigone entre deux âges, à la fois noble et paternel, un peu paumé dans son armure d’éternel soldat, coincé moralement par des choix où se mêlent l’idéalisme et la bienveillance. Dès le début du récit, j’induis le doute sur la réalité de sa paternité génétique avec le futur Heraklès. Respectant le récit hésiodique (cf le Bouclier d’Hésiode), c’est bien Zeus qui est le véritable géniteur, du moins à une facétie scénaristique près. Mais Amphitryon possède, par essence, la corde paternelle, et aux yeux du petit Alkideus il va devenir une sorte de modèle qui va nettement marquer sa propre personnalité. Dans le premier volume des Cycles d’Ouranos, il y a ce moment où le fils, en plein désarroi car déjà écrasé par toutes les attentes qui pèsent sur sa petite personne, confie au père ses doutes et sa peur. Dans la réponse de mon Amphitryon, il y a la bienveillance naturelle du personnage qui s’exprime, un moment important qui va forger pour beaucoup le caractère de l’homme à venir.

Enfin, et je vais sommairement l’exprimer par simple pudeur, je me suis rendu compte que derrière les traits du personnage d’Amphitryon que j’ai créé dans les Cycles d’Ouranos, il y a beaucoup de mon propre père. Même si les deux hommes ne se ressemblent pas au niveau du caractère et des actes, même si je n’évoque à aucun moment la relation qu’il y avait entre mon père et moi, je n’ai eu cette prise de conscience qu’après sa mort subite au cours de l’été 2022, le premier volume presque bouclé. Le point commun entre les deux résidant par contre dans la puissance d’inspiration, malgré leurs faiblesses et leurs défauts, qu’ils auront représentée pour leur fils.

Et la fierté.

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