1° Heraklès/Alkideus dans les Cycles d’Ouranos

herakles-gilgamesh-CdO

A tout seigneur, tout honneur, il est évident de commencer la série des « script monitor » (cf le billet précédent) avec le protagoniste principal du début du premier Cycle d’Ouranos.

Pour débuter cette série, je voudrais déjà clarifier un choix par rapport la manière dont sont nommés les protagonistes. Je suis naturellement parti des mythes d’origine, en optant pour une version « personnalisée » et surtout en évitant les « latinisations » qui confèrent toujours une connotation « romaine » (pas en rapport avec la ville, mais bien la civilisation). Petit rappel également, j’ai modifié certaines lettres ou joué, un peu, avec les mots, comme pour le prénom « Alcide » que j’ai muté en « Alkideus » pour une raison simplement facétieuse (fusionner « Alkios » et « Deus », naturellement, ce qui pourrait donner « la force d’un dieu).

Pour revenir sur le rejet de la latinisation, l’exemple parfait est le nom Hercule qui renvoie pour moi à un héros devenu une sorte de caricature passe-partout, idéale à mettre en scène dans des séquences héroïques (c’est même devenu une antonomase). Une des raisons pour laquelle j’étais au début très rétif à m’intéresser à Heraklès réside par ailleurs dans la vision de tous ces péplums interchangeables (je pense aussi au comics) qui montrent quasiment tous un héros barbu (à part Arnold Schwarzenegger dans Hercule à New York), généralement bodybuildé (là ça coche), qui résout généralement les conflits en appliquant brutalement une justice correspondant à une vision morale du héros civilisé comme nous l’entendons dans nos sociétés modernes. En résumé, Hercule est majoritairement un héros positif, montagne de muscles, parfois hédoniste mais jamais pervers, qui fait trépasser tout ce qui dépasse là où il passe. C’est peu dire que ce genre de personnage ne m’intéresse pas, donc j’ai toujours parcouru les exploits du demi-dieu avec une once d’irritation polie.

Quand j’ai repris ce projet de jeunesse en le réinventant entièrement, il m’est apparu essentiel que je ne pouvais faire l’impasse sur celui qui demeure le plus fameux et célèbre héros grec. Bien qu’il semblerait, ces dernières années, qu’Achille ait pris du galon dans l’inconscient collectif ; mais en toute honnêteté, les deux héros sont pour le moins incomparables. Il est d’ailleurs intéressant de constater que les deux n’évoluent pas dans le même univers ; pour l’un c’est le monde sauvage, non civilisé, exotique, pour l’autre c’est l’univers martial, celui de la guerre et des conflits plus politiques qu’idéologiques. Et c’est cette dimension qui m’a d’abord rabiboché avec le personnage. Car il est significatif, selon moi, que notre cher Heraklès ne soit jamais devenu roi. Toujours en mouvement. le nombre de ses exploits est simplement ébouriffant. Le premier travail aura d’ailleurs été de comprendre la logique dans ce qui tient davantage de l’errance que du périple. Boule de flipper, Heraklès balade sa puissante carcasse à travers le monde, le marquant de son passage, indélébilement.

Dès les premières pages d’Herakliskos, j’ai essayé de faire comprendre ma forte motivation à bousculer les idées reçues. Pas de barbe, pas de muscles saillants, pas de gourdin, pas de tenue pseudo grec. Le lecteur découvre un personnage volontairement contraire à tout ce qui est attendu. Je ne procède pas à une narration chronologique, je le présente bien après son dodécathlon, le joli nom grec de ses 12 travaux. Car le principe va être de montrer un être en perpétuelle évolution. Ce n’est pas un mystère que les mythes grecs n’incluent pas une caractérisation qui excède la courte énumération de qualités ou de défauts. Ainsi, les mythes sont avant tout des faits mis bout à bout. La manière de les conter est donc devenue, par essence, très archétypale, et s’il y a eu des volontés, quand même, de proposer des alternatives (je pense à la version avec The Rock, les adaptations uchroniques ou burlesques), à l’arrivée c’est le personnage d’Heraklès qui est gommé pour être remplacé par une sorte de superhéros idéal, parfait et donc sans porosité… ou un concentré de violence ou de pulsions. Ce n’est pas très sensible dans ce premier volume, car il met essentiellement en scène l’enfant que fut le héros, mais ma proposition consiste justement à proposer une vision plus complexe tant de l’évolution psychologique du héros que de son parcours. En résumé, par d’archétype, pas de de stéréotype, mais bien une personnalité complexe qui est notamment la résultante d’une fascinante épigénétique.

Dans mon scénario, j’ai baptisé le design de cet Heraklès qu’on découvre au tout début avec l’appellation Gilgamesh. Et pour cause, son apparence n’est qu’une adaptation de la représentation du héros dans l’art perse. Sans vouloir compliquer inutilement mon propos en explicitant toutes les raisons qui m’ont conduit à ce choix, deux principales m’ont fortement motivé. La première est apparue tandis que je découvrai la réalité géographique des étapes d’Heraklès. Le séjour chez Omphale, qui précède le début de ma narration, indique que le héros aura séjourné dans une région d’Anatolie (Asie Mineure) ; souhaitant éviter l’archétype de la vision péplum de la mythologie, j’ai aussi voulu sortir de cette vision très monoculturelle, éthnocentrée, du monde antique. Etant donné le rapprochement évident entre les deux personnages que sont Heraklès et Gilgamesh, mon idée était de faire un pont entre les deux en adoptant la tenue visible sur nombre de bas-reliefs représentant le héros mésopotamien. La seconde repose sur le concept du daimon de mon Heraklès. Il est, à mes yeux, très pertinent que la figure léonine soit très présente dans les deux mythes, et quand je concevais mon scénario, la figure d’Enkidu ne m’est plus apparu comme un personnage réel mais bien le fruit d’une seconde nature propre à Gilgamesh. L’interprétation de l’artiste Neil Dalrymple représentant les deux personnages côte à côte, revêtus de la même tenue mais l’une comme le reflet de l’autre (asymétrie de la robe) a fini de me convaincre que mon idée/interprétation était à la fois ludique et savoureuse.

Gilgamesh - Louvre

Dans mon scénario, j’ai baptisé le design de cet Heraklès qu’on découvre au tout début avec l’appellation Gilgamesh. Et pour cause, son apparence n’est qu’une adaptation de la représentation du héros dans l’art perse. Sans vouloir compliquer inutilement mon propos en explicitant toutes les raisons qui m’ont conduit à ce choix, deux principales m’ont fortement motivé. La première est apparue tandis que je découvrais la réalité géographique des étapes d’Heraklès. Le séjour chez Omphale, qui précède le début de ma narration, indique que le héros aura séjourné dans une région d’Anatolie (Asie Mineure) ; souhaitant éviter l’archétype de la vision péplum de la mythologie, j’ai aussi voulu sortir de cette vision très monoculturelle, éthnocentrée, du monde antique. Etant donné le rapprochement évident entre les deux personnages que sont Heraklès et Gilgamesh, mon idée était de faire un pont entre les deux en adoptant la tenue visible sur nombre de bas-reliefs représentant le héros mésopotamien. La seconde repose sur le concept du daimon de mon Heraklès. Il est, à mes yeux, très pertinent que la figure léonine soit très présente dans les deux mythes, et quand je concevais mon scénario, la figure d’Enkidu ne m’est plus apparu comme un personnage réel mais bien le fruit d’une seconde nature propre à Gilgamesh.

A l’instar des mythes grecs, il est tentant et facile de se contenter d’une vision que j’appelle généralement  »littéraliste », dans l’idée d’une vision littérale, prosaïque, des éléments pour se contenter d’une illustration purement factuelle (1er degré). Avec les Cycles d’Ouranos, j’ai voulu à la fois rester fidèle aux mythes tout en jouant de la dimension symbolique, alchimique, ésotérique des informations qu’ils contiennent. Heraklès, à mes yeux, est un personnage qui se bat en permanence, non seulement contre le reste d’un monde sauvage et cruel, mais également intérieurement. En cela, la fin du premier volume nous montre le daimon d’Heraklès, qu’il appelle clairement Enkidu, illustrant mon propos. Concernant ce dernier, je reviendrai un jour sur les raisons de son existence, sur les mystères qui l’entourent et qui font également partie du récit.

Gilgamesh et Enkidu par Neil Dalrymple
Une oeuvre contemporaine de Neil Dalrymple.

L’interprétation de l’artiste Neil Dalrymple représentant les deux personnages côte-à-côte, revêtus de la même tenue mais l’une comme le reflet de l’autre (asymétrie de la robe) a fini de me convaincre que mon idée/interprétation était à la fois ludique et savoureuse. Bon, au fil de mes recherches, j’ai vu des gens nourrir l’idée que le lion tenu par Gilgamesh par sa taille indiquerait le gigantisme du héros, mais je ne suis pas allé aussi loin dans la spéculation. Par contre, je me suis rendu compte qu’il y avait peu, à ma connaissance du moins, de représentations d’Enkidu. Dans un de mes précieux bouquins, j’ai trouvé un sous-cylindre akkadien sur lequel Gilgamesh et Enkidu sont représentés, et à vrai dire la seule véritable différence entre les deux personnages repose sur la paire de cornes du compagnon de Gilgamesh.

Sources images :

1° https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Gilgamesh_subduing_a_lion.jpg

2° https://www.neildalrymple.com/ceramic-stoneware-sculptures/gilgamesh/

Articles recommandés

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *