5° Poludeukès dans les Cycles d’Ouranos

Poludeukès dans les Cycles d'Ouranos

Tout le monde connaît Castor et Pollux, mais pas forcément pour les raisons les plus louables. Déjà, Pollux, personnellement, me rappelle un petit chien facétieux qui passait son temps à s’obséder sur sa « petite Margotte »… et Castor ne peut évoquer qu’une célèbre espèce de rongeurs constructeurs de barrages, à la queue plate à cause des canards (mauvaise blague mais qui me fera toujours rire). Pour ceux qui possèdent un peu de culture en mythologie, c’est bien sûr les dioscures, les jumeaux les plus célèbres, ceux qui symbolisent la fraternité fusionnelle, la gémellité vu comme une unicité vécue à deux.

Attention, remontage violent dans le temps : j’ai 15 ans, je découvre que la série TV qui me passionne (Saint Seiya aka les Chevaliers du Zodiaque pour les irréductibles francophones) est dessinée et imaginée par un certain Masami Kurumada dont je vais dès lors acheter et collectionner les mangas. Je suis tellement dans l’adoration de la série, que je vais un temps reproduire le style du maître Kurumada et je vais pondre un jour un dessin qui sera le mètre étalon de mon Pollux, futur Poludeukès. Un dessin conservé dans une malle quelque part, pour lequel je conserve une tendre affection.

Pour toutes ces raisons, j’ai gardé mon duo intact au fil des années, incorporé au forceps dans mon premier projet, de manière anachronique durant la guerre de Troie, puis repensé, réinventé, lors de la réécriture du projet. La première version était pour le moins romantique, signe d’une époque et de mon âge : mon Pollux voulait venger la mort de son frère, l’assassin étant bien entendu dans le camp troyen, et cela accompli, il poursuivait la magnifique quête de s’emparer des pouvoirs d’Hadès pour faire revivre sa fratrie. Tout cela ne tenait qu’à la conclusion que j’avais complètement visualisée et qui était, il est vrai, très belle. Pollux, aidé par une magnifique Amazone défigurée (mais magnifique quand même – je me comprends), finissait par retrouver Hadès, bien entendu trop puissant pour être vaincu, mais qui magnanime, exauçait le noble combattant qui l’avait ému. Pollux avait alors la courte joie de retrouver son frère, pour comprendre presque immédiatement que la résurrection avait certes animé le corps mais aucunement ramené l’âme. Le chapitre s’achevait sur l’Amazone, pénétrant dans la grotte du combat final, ne trouvant sur le sol que le daimon abandonné de Pollux. Le lecteur devait se contenter de cette fin mystérieuse symbolique et mystérieuse, et encore maintenant je ne peux m’empêcher de la trouver sublime, pleine d’émotion.

Maintenant, en ce qui concerne les Cycles d’Ouranos, je n’en ai absolument rien conservé. Au contraire, j’ai démantibulé tout ça pour proposer quelque chose de véritablement originale, notamment concernant la question de la fratrie et de la gémellité. Dans ce premier volume, le lecteur découvre Poludeukès, le nom de ce personnage dont j’ai sciemment renié la traduction latine. Plus tard, les autres protagonistes le nommeront familièrement « Pol », mais point de luxe excessif ici (comprenne qui pourra). Et mon Poludeukès est seul, sans Kastoreus, ce qui présente déjà clairement mon intention. Par quelques indices, je commence à induire que la fratrie est en crise. Pourquoi ? Même Poludeukès ne le sait pas vraiment, mais quelques signes, quelques indices, lui font comprendre qu’il y a véritablement anguille sous roche.

Je ne déflorerai pas ma propre intrigue, mais dans les Cycles d’Ouranos j’ai voulu interroger à la fois les problématiques générationnelles et familiales. Ce qui m’a toujours passionné, c’est bien la question de la parentalité dans la réalisation d’un être. La raison véritable de la réécriture de mon histoire initiale, c’est bien l’intérêt puissant de montrer et d’expliquer ce qui donne plus tard naissance à un Ajax ou un Achille. Ou comment les attentes et l’éducation d’un père peut forger (figer) le destin d’un fils dans une forme de déterminisme héroïque. A l’instar, j’ai voulu sortir du cliché de la fratrie parfaite avec Poludeukès et Kastoreus, pour conter une histoire à la fois originale et imprévue.

J’aime énormément le personnage de Poludeukès car il fait partie de ceux qui dans mon intrigue sont à la fois les plus vertueux et incidemment les plus candides. J’aime ces personnages à la pureté véritable, au sens moral si rigide qu’il les empêche de voir la réalité de la duplicité du reste du monde. Poludeukès c’est un peu un adolescent exalté qui vit sa vie à 100 à l’heure sans s’apercevoir que le monde autour de lui se sclérose et finit par le voir comme un intrus, comme un motif d’irritation. Poludeukès c’est le jeune homme dont l’énergie et la fougue finissent par lasser car l’humeur est davantage à la résignation qu’à la fête permanente. Une candeur qu’il va payer très chèrement et qui initiera par ailleurs, dans la suite, une autre version de lui-même, plus sombre, plus dure, imprévue.

Pour l’instant, découvrez le jeune Poludeukès, vibrant de vie, combatif, bagarreur, effronté. Brièvement, sa tenue est pour moi une concession à mon oeuvre de jeunesse, et j’ai eu bien du mal à trouver des justifications au port du pantalon à une époque où celui-ci était pour le moins marginal dans le contexte de la Grèce antique. Finalement, c’est la passion de Poludeukès pour le domptage de « cavales » (que j’aime cette expression) qui m’en a donné une chouette excuse. Puis, la passion pour le Pugmakhia a fini de me donner des excuses valables. En bref, pour dompter des chevaux ou pour se battre, une tenue près du corps est idéale – il me reste à intégrer la conception de ce raisonnement dans mon intrigue, mais cela me permettra notamment d’illustrer le concept de « Krysaor« , qui permet à un épigone de manipuler la matière pour concevoir à l’envi (mais dans la limite du stock disponible, si j’ose dire) la tenue de son choix. Une chouette capacité que je mets par deux fois en scène dans le volume 1, avec l’armure d’Oedipe et la tenue d’apparat d’Amphitryon.

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